joker123 Plus belle la vie en maison de retraite 4 : Aidez-moi !
Plus belle la vie en maison de retraite 4 : Aidez-moi !

Plus belle la vie en maison de retraite 4 : Aidez-moi !

 

Chaque semaine, je traverse la pièce principale de la maison de retraite dans laquelle j’interviens pour accéder à l’espace sécurisé où sont enfermés les résidents inaptes à rester en liberté totale, pour des raisons évidentes de sécurité. La plupart d’entre eux sont des personnes atteintes de pathologies telles la maladie d’Alzheimer. Et presqu’à chaque fois, je tombe nez à nez avec R. qui a posté son fauteuil roulant tout près du passage, et dont le regard me fixe avec intensité et insistance. Je connais R. car elle assistait à mes animations il y a deux ans. Je pensais qu’elle m’avait oublié, mais visiblement, il n’en est rien, ce qu’elle a confirmé lorsque je lui ai posé la question.

Alors, systématiquement, je marque un temps d’arrêt, je lui prends la main, la regarde dans les yeux et lui dit doucement « Bonjour R. ». Sa réaction est toujours la même. Elle me regarde, ses yeux s’emplissent de larmes, et elle me supplie tristement : « aidez-moi !».

Elle souhaite rentrer chez elle, ce qui n’est pas possible, pour de nombreuses raisons tout à fait justifiées. Je lui pose alors la main sur l’épaule, je la regarde avec profondeur, essayant de lui transmettre un soulagement, bien dérisoire, à traves ce simple contact, et je lui indique que je dois la laisser pour aller travailler, mais que je la reverrai bientôt.

Et je poursuis mon chemin… L’interaction a duré moins d’une minute.

C’est pourtant une minute de grande intensité. Je vois la tristesse et la souffrance de cette femme, et j’essaye d’établir un tout petit geste de réconfort, pour lui procurer un tout petit peu de chaleur humaine.

Il serait bien plus simple pour moi de passer sans m’arrêter, de regarder à côté, évitant cette cascade de larmes. Et R. resterait ainsi toute la journée, à attendre de croiser un regard pour pouvoir lancer sa supplique. Et je pense que cela se passe bien souvent de cette façon.

Attendre le regard, attendre la chaleur humaine, et rester seul, isolé, simplement parce que cette débauche d’humanité m’est pas tenable dans nos sociétés aseptisées dans lesquelles seul le beau à droit de cité, et dans la froideur de nos contacts distants, justifiés par un soi-disant respect de l’intimité des autres.

Encore hier, lors d’un forum dans lequel je tenais un stand en tant que professeur de yoga, je discutais avec une enseignante de yoga libanaise récemment arrivée en France. Elle relatait cette froideur qu’elle avait ressentie à son arrivée, même entre profs de yoga, ce qui est un comble, en comparaison des contacts chaleureux auxquels elle était habituée. Tel est un aspect bien triste de nos sociétés modernes. En en parlant autour de moi, je m’entends souvent dire : « que c’est triste, mais on ne peut rien faire…, c’est ainsi ». 

Doit-on accepter cela ? Contribuer à ce système dans lequel on peut envoyer des hommes et des satellites dans l’espace, pour diffuser des programmes de télévision en permanence (nous en reparlerons), mais incapable de regarder dans les yeux une personne qui souffre ?

En 1964, Hugues Aufray chantait « pauvre chien perdu dans la ville, […] quand on regarde tes yeux, on a le cœur gros ». Cinquante ans plus tard, on ne regarde même plus les hommes et les femmes tristes dans les yeux, de peur que cela génère des pleurs que l’on ne saura soutenir.

Eh bien, il y a du travail… On a su envoyer des hommes sur la lune, il nous reste à mettre la lune et le soleil dans les cœurs.

Vaste programme…

 

Hervé Bellut

Le Cyclamen Blanc

 

Commentaires  

 
+1 #1 Joy plisson 22-09-2013 19:54
Plusieurs fois, j'ai parlé aux mendiants dans la rue. Une fois je me suis assise par terre avec l'un d'entre eux pendant qu'il me racontait son histoire. Nous avons échangé nos adresses. J'avais besoin d'un stylo et j'ai demandé aux passants et je me suis rendue compte que les gens accéléraient en regardant ailleurs... parce que j'étais assise à côté du mendiant, pourtant si sympathique et touchant. Finalement un étudiant nous a passé un stylo bille et est parti... Cà en dit long...

Réponse HB : Tout à fait en phase avec vous. Bravo, et continuez ainsi à donner de l'amour, c'est une belle façon de s'en remplir.
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